Chapitre 22


« J’ai changé de vie,
et me revoilà au point de départ. »
Nicolas, 39 ans
La teste de Buch

           
            Franky a appelé Marius à seize heures le même jour.
-      Cher monsieur Deler, j’ai d’excellentes nouvelles.

            Marius avait couru du jardin, où il était en train de traiter ses haies d’orthensia. Il était tout essoufflé.

-      Dites-moi, dites-moi.
-      On a votre client, votre cliente devrais-je dire.
-      Ester ?
-      Ester, monsieur. En personne ! C’est une ancienne collègue de votre fille. Une dénommée Claire Guillou.
-      Claire ?...
-      Oui, monsieur. Ce n’est pas une inconnue pour nous. Elle a eu maille à partir avec la justice pour des histoires de drogue. On l’a interrogée l’autre jour, pour savoir si elle connaissait des ennemis à votre fille. Elle nous avait paru un peu dans les vapes, si vous voyez ce que je veux dire. Mais pas mal du tout sinon, si vous voyez là aussi ce que je veux dire.
-      Vous êtes bien sûr ? »

            Marius était très surpris. Il aimait bien Claire. Celle-ci avait eu l’honneur de quelques invitations à Saint-Cloud, pour les fameux dîners du dimanche. C’était à l’époque où Judith paraissait très fatiguée. Chaque fois, les deux copines avaient débarqué en retard, à la fois fuyantes et complices. Marius avait été rassuré par la présence de cette jeune femme dans l’environnement de sa fille. Il en avait conçu de la reconnaissance.
-      Bon, écoutez monsieur Deler, Claire Guillou n’est pas passée aux aveux. Elle dit même qu’elle est persuadée que c’est votre gendre le coupable. Elle arrête pas de beugler que c’est lui. Je n’y crois pas une seconde. Votre gendre m’a l’air d’être un sacré tordu, mais pas à ce point. Mais, nous, on a une preuve contre cette Claire. Vous savez, avec la technologie moderne, on fait des merveilles. Là, il a suffi de demander aux sites Vous.com et Dimanche.com d’où se connectait la fameuse Ester63. Et bien je vous le donne Emile, monsieur Deler, c’était du poste de Claire Guillou.
-      Ah…
-      Alors bien sûr, ça ne prouve pas que Claire Guillou, alias Ester63, est bien la même personne qui envoie les lettres et s’amuse à couvrir de sang tout ce qu’elle trouve. Mais croyez mon expérience, dans 99 % des cas, tout cela se recoupe. Ce n’est qu’une question de minute.
-      En tout cas merci de me tenir au courant inspecteur.
-      Je vous en prie monsieur Deler. Pour votre info, on a dit à la voiture qui était en faction devant chez vous qu’elle pouvait faire un break. Elle repassera ce soir. Je crois qu’on est au bout.
-      Merci monsieur. »

            En même temps que l’inspecteur terminait son coup de fil, il décachetait machinalement des enveloppes que l’assistante du service avait déposées sur son bureau. Aussitôt le combiné raccroché, il a interrompu son labeur pour aller voir où en était l’interrogatoire de Claire, au premier étage. Il n’a pas terminé la pile de courrier et n’a donc pas vu, entre les enveloppes, une carte postale. Celle-ci représentait une jolie photographie du Parc de Saint-Cloud au coucher du soleil. On voyait les grands escaliers de pierre et les jets d’eau magistraux avec, au loin, une immensité de building : Paris. Derrière la carte, une message court écrit en rouge, en majuscule, et tracé avec le doigt :

            « Cher Franky Marquez,
            Bon boulot…mais trop tard. »